The poem is the last (No xxviii) in the collection entitled
L’anémone des mers by Jean Dominique, the pseudonym of Marie Closset. There is no poet’s heading to the lyric, thus the evocative title is the composer’s own. It is a rarity simply because it was published separately, and was never part of one of the
recueils. When it was out of print, copies of the music circulated among singers and pianists who guarded the pages with devotion (I first acquired it thirty years ago in a battered photocopy from Dalton Baldwin). Fauré was not often inclined to discuss his songs at length, but here he wrote the following words to his wife: ‘It does not in the least resemble any of my previous works, nor anything that I am aware of; I am very pleased about this. There is not even a main theme; the song is of a free nature which would strongly upset Théodore Dubois. It translates the words gradually as they unfold themselves; it begins, opens out, and finishes, nothing more, nevertheless it is unified.’ With these words, and with this song, Fauré turns the key in the lock and opens the door to his late style. Of course there are similarities to earlier works: the dreamy, introverted nature of
Le secret and
Les présents, the guitar-like madrigal accompaniment of
Chanson d’amour and
Le plus doux chemin, the economy of
Le ramier and
Chanson. This music represents evolution rather than revolution, but there is also something new here that is beyond technical analysis – a reserve, a melancholy, a renuciation that breaks the heart in its lack of self-pity and its honesty. Because this music seems peeled right down to the deepest level of self-revelation it is difficult not to equate this ‘don silencieux’ with the gift of Fauré’s music to the world, and his noble disinclination to push himself, and his art, under our noses. Like the silent lover who keeps his distance, the gift of this composer’s music is easy to ignore and refuse; indeed it must first be gathered up, and taken to heart, before it can be understood and cherished. It is little wonder that this strange little song with its halting gait, and almost no melody to speak of, has always been an article of faith among enthusiasts. A mere mention of
Le don silencieux can make admirers of Fauré go misty-eyed; it used to be that an awareness of its very existence was taken as a measure of devotion to his mélodies.
from notes by Graham Johnson © 2005
Ce poème est le dernier (noXXVIII) de
L’anémone des mers, le recueil de Jean Dominique (alias Marie Closset), où il figure sans titre—le titre évocateur est donc de Fauré. Cette mélodie est une rareté par le simple fait qu’elle fut publiée à part, en dehors de tout recueil. Lorsqu’elle fut épuisée, des copies de sa musique circulèrent parmi les chanteurs et les pianistes, qui les conservèrent pieusement (je l’ai acquise pour la première fois voilà trente ans dans une version photocopiée, et abîmée, de Dalton Baldwin). Fauré inclinait peu à parler longuement de ses mélodies, mais là il écrivit à sa femme: «Comme elle ne ressemble nullement à aucune de mes précédentes œuvres, ni à rien que je sache, je suis très content. Et puis, il n’y a pas même un thème principal; elle est d’une liberté d’allure qui déconcerterait fort Théodore Dubois. Elle traduit les mots graduellement, à mesure qu’ils se dévoilent; elle s’ouvre, s’épanouit et se ferme, rien de plus, mais elle n’en est pas moins unifiée.» Par ces mots, par cette mélodie, Fauré, d’un tour de clef, ouvre la porte de son style tardif. On trouve, bien sûr, des similitudes avec des œuvres antérieures: la nature rêveuse, introvertie de
Le secret et de
Les présents, l’accompagnement madrigalesque, façon guitare, de
Chanson d’amour et de
Le plus doux chemin, l’économie de
Le ramier et de
Chanson. Cette musique incarne plus une évolution qu’une révolution, mais elle renferme aussi quelque chose de neuf, qui dépasse l’analyse technique—une réserve, une mélancolie, un renoncement qui, parce qu’il ne s’apitoie pas sur son sort et est honnête, fend le cœur. Cette musique semble décortiquée jusqu’à atteindre le tréfonds de la révélation de soi, et il est difficile de ne pas assimiler ce «don silencieux» au don que Fauré fit au monde, à travers sa musique, mais aussi à la noble répugnance de ce compositeur à se mettre en avant, et à son art, juste sous notre nez. Tel l’amant silencieux qui garde ses distances, il nous est facile d’ignorer et de refuser le don de musique que nous fait Fauré; car il nous faut d’abord le cueillir, le porte à notre cœur avant de pouvoir le comprendre et le chérir. Il n’est guère surprenant que cette étrange petite pièce à la démarche heurtée, presque sans mélodie, ait été un article de foi parmi les passionnés. La seule mention de
Le don silencieux peut faire s’embuer les yeux des admirateurs de Fauré; il fut un temps où être conscient de l’existence de cette pièce était regardé comme l’aune à laquelle on jugeait la dévotion portée aux mélodies fauréennes.
extrait des notes rédigées par Graham Johnson © 2005
Français: Hypérion