Hélène Cao
Diapason, France
septembre 2015

En 1815, Goethe inspira une moisson de lieder à un jeune homme de dix-huit ans (Schubert) et à un quadragénaire (Tomášek). La postérité a relégué dans les oubliettes le second pourtant admiré du poète. Si le compositeur natif de Bohême n'a pas la puissance visionnaire du Viennois; ni son invention mélodique et harmonique, il conduit le lied en termes romantiques. En particulier avec Rastlose Liebe, à l'effusion fiévreuse, ou les plaintifs Sorge et Das Geheimnis (le célèbre chant de Mignon Heiss mich nicht reden). Il faudrait être de mauvaise foi pour lui dénier la diversité de ses climats et de ses structures formelles (pas si souvent strophiques). Aux Goethe-Lieder et sept titres piochés dans divers opus, nous préférons cependant les Sechs bömische Lieder op. 71 (poèmes compilés par Václav Hanka et traduits en allemand par Václav Alois Svoboda), au lyrisme plus extériorisé.

Pour découvrir les lieder de Tomášek, le curieux disposait jusqu'à présent de l'honnête anthologie de Kurt Widmer (Ars Musici) et de celle, dispensable d'Ildiko Raimondi (Paladino Music). Le récital sans faute de goût de Renata Pokupić et Roger Vignoles se fraie aisément un chemin dans ce quasi-désert, sans marquer durablement les esprits. Bien sonnante et fruitée, la mezzo croate fait son miel des pièces mélancoliques et de l'Opus 71 qui lui permet de libérer davantage l'expression. Mais elle pèche par l'égalité de l'intensité, un manque de caractérisation et de progression dramatique (Erlkönig, où il ne se passe pas grand-chose). La principale gêne émane d'un soutien vacillant entraînant une intonation brumeuse dans le grave de la tessiture.