Diapason, France
PERFORMANCE
PERFORMANCE

Peu connu en France, Mahan Esfahani fait sensation depuis ses débuts de récitaliste au Wigmore Hall. Pour la petite histoire, il est le premier claveciniste à avoir joué en solo au cours des fameux Proms de Londres.

On nous permettra d’évoquer, pour juger de l'impression artistique que procure son premier disque, l'envergure musicale et virtuose du jeune pianiste Benjamin Grosvenor. Technique extraordinairement réactive, sens inné du son, sensibilité merveilleusement communicative : un tel rayonnement est chose rare.

Les sonates de Württemberg (1744) offrent un terrain de choix à un interprète audacieux. Carl Philipp, au milieu des années 1740, y concentre un langage qui n'était, quelques années auparavant, que spéculation musicale.

Dès les premières mesures de la Sonate en la mineur tout est dit, la rupture avec le baroque consommée, les changements d’atmosphère construits sur des bases harmoniques nouvelles, l'orchestration du clavier puissamment charpentée et propice à toutes sortes de contrastes dynamiques. Dans sa notice, Esfahani se livre à une analyse des mouvements extrêmement argumentée, qui témoigne d’une maturité saisissante. On a rarement entendu un Bach aussi près du texte et pourtant si libre, sidérant d’aisance dans les pages brillantes et débordant de tendresse dans les adagios.

L'Adagio non molto de la Sonate en si mineur résume le propos : la mélancolie tente de s'étourdir dans une feinte agitation, les silhouettes de Fiordiligi ou de la Comtesse se dessinent sous nos yeux. L’instrument (d’après Mietke) est particulièrement intéressant. Il combine les traditionnelles vertus de la facture allemande (timbre luthé, aigu merveilleusement vocal) et un registre médium d'une richesse expressive dont Esfahani joue en expert.