Le Poème élégiaque d'Ysaÿe est encore plein d'un romantisme exacerbé proche de l'univers de Franck ou de Chausson. Alina Ibragimova l'aborde avec une modération raffinée. Le bref Nocturne de Lili Boulanger fait entendre les derniers échos d'un romantisme.
Ce n'est pas la première fois que les sonates de Franck et Vierne sont associées. Un tel couplage est cohérent, les deux sonates ayant été composées pour Eugène Ysaÿe, et celle de Vierne se situant dans le lignage franckiste, avec une personnalité puissamment affirmée. Une qualité que possède aussi cette version. Dans une oeuvre de cette dimension, il faut tenir la durée mais aussi ne pas égarer l'auditeur dans les méandres d'une partition complexe et dans l'ensemble survoltée. Or, les deux interprètes, habitués à travailler ensemble, possèdent l'énergie mais aussi le contrôle constant de la sonorité et même le charme qui rendent séduisante cette sonate trop méconnue.
Dans la sonate de Franck, ils effectuent des choix assez hardis, présentant un premier mouvement plutôt lent et finissant en apothéose avec un finale aussi puissamment bouillonnant que le deuxième mouvement. Cela donne à l'ensemble une orientation fortement structurée, avec un troisième mouvement dans lequel Cédric Tiberghien déploie des trésors de poésie. Une nouvelle pierre blanche dans la discographie jusqu'ici sans faille de ce duo.