Michel Stockhem
Diapason, France
novembre 2016

Les affinités de Jonathan Plowright avec la musique polonaise sont déjà bien connues, et son «hommage à Chopin» l'avait prouvé en 2010 (même éditeur, Diapason d’or). Si le pianiste britannique s’est lancé dans une captivante intégrale Brahms pour Bis, il n’en reste pas moins fidèle à Hyperion entouré ici de l’excellent Quatuor Szymaowksi pour une délectable double découverte.

Ludomir Różycki était aux yeux de Tansman le plus français des compositeurs du groupe Jeune Pologne fonde en 1906, même s’il étudia avec Humperdinck; néglige dans sa notice par Adrian Thomas (qui semble n’envisager d’influence parisienne que debussyste ou stravinskienne), cet aspect devient particulièrement sensible dans le Quintette de 1913. Les correspondances sont même plutôt, pour être précis, franco-belges, aussi bien dans les modelés (Franck, Zarebski, qui écrivit son quintette à Bruxelles) que dans les résonnances contemporaines (Schmitt, Biarent). Adrian Thomas évoque les influences de Strauss ou de Reger: on les cherche en vain, sinon brièvement dans le finale. Entamée a Paris, ce vaste Opus 35 en trois mouvements d’un quart d’heure chacun impressionne par la qualité de l’écriture, fouillée, inspirée, cultivant les demi-teintes non sans souffle puissant. L’exécution est simplement magistrale, avec l’agrément d’une prise de son soignée et d’un piano à la rondeur de coussin de velours.

L’influence de Richard Strauss est plus manifeste chez Ignaz Friedman (1882-1948). L’immense pianiste déploie dans son Quintette en do mineur (1918), longtemps inédit et inconnu en CD, un chic viennois indéniable : on se retrouve au foyer d’un théâtre ayant souffert de la guerre, et qui mettrait Rosenkavalier a l’affiche pour sa réouverture.

Sans tirer la couverture à soi, le virtuose-compositeur marie adroitement le piano aux cordes dans une ambiance mélancolique, sombre même dans certaines variations du larghetto central. Quelques éléments folkloriques apparaissent, notamment dans le finale, mais aussi des touches modernistes qui font penser à Busoni, des gammes par tons, des modes antiques, un fugato: tout cela est un peu indécis esthétiquement mais passionnant, parfois intensément original (finale) et aussi élégant que le jeu de Friedman pouvait l’être. Les interprètes y séduisent autant que dans les premières plages et on sort de la un doux sourire aux lèvres, certain d’avoir assisté à un enrichissement du répertoire.