Philippe Ramin
Diapason, France
mars 2016

Belle surprise! Si j'ai pu être dérouté ou agacé par les joliesses dont Angela Hewitt est prodigue chez Bach (dont elle a enregistré la quasi-totalité de l'œuvre pour clavier) ou Couperin, son Scarlatti m'a tenu en haleine et parfois ébloui. Elle y évite la rythmicité perlée souvent adoptée dans le répertoire baroque porté vers le piano. Parfaitement à l'aise sur son grand Fazioli, la musicienne parle avec l'autorité tranquille qui permet les plus touchantes confidences.

La couleur d'ensemble de l'instrument, profonde et moelleuse dans son médium, idéalement chantante dans son registre aigu, sert le détail du contrepoint (Si mineur, Fa mineur). Cette approche soucieuse de la polyphonie évite toute hystérie descriptive (oppositions dynamiques systématiques, clins d’œil en forme d'espagnolades) et fonde une remarquable virtuosité expressive.

Par la claire différenciation des registres, l'accentuation de certains détails rythmiques (Kk13 en sol majeur, célèbre toccata en ré mineur), la prééminence d'un chant aux couleurs superbement contrôlées (Mi majeur), la pianiste amplifie l'allure générale de la structure avec une grande conscience des proportions. Dans des partitions où certains collègues aiment voir des miniatures, Angela Hewitt libère un geste aussi généreux que pour une novelette de Schumann ou un impromptu de Schubert. L'instrument se fait alors oublier au profit d'une relecture approfondie et extrêmement expressive.