Patrick Szersnovicz
Diapason, France
avril 2015

Après avoir excellemment enregistré les quatuors à cordes de Szymanovski, Lutoslawski, Penderecki et Gorecki, le Royal String Quartet, remarquable formation polonaise, nous révèle un visage plus récent de sa musique nationale.

Ancien élève de Wlodzimierz Kotonski et Tadeusz Baird, Pawel Szymański développe un langage personnel oscillant entre ce qu'il nomme "surconventionnalisme"—s'apparentant de loin, par son usage d'emprunts au "polystylisme" de Schnittke—, une volonté plus avant-gardiste, détachée des tendances rétro ou postmodernes.

Placées en début de programme, les Cinq pièces pour quatuor (1992) offrent une introduction quasi idéale à son art. En dix-huit minutes, on y passe de subtils trilles, détours et motifs évoquant fugacement des figures du XVIIIe siècle à une musique parfois féroce et bourrue qui, malgré son obstination tonale et ses chevauchants arpèges pouvant rappeler le minimalisme américain, vise une plus grande originalité.

Les récentes Quatre pièces pour quatuor (2013) s'enchaînent sans interruption et dévoilent un autre aspect de la musique de Szymański: l'ombre de Lutoslawski se profile derrière l'usage de micro-intervalles, d'unissons déplacés et les processus cumulatifs.

Ecrites en 1982 à l'occasion du centenaire de Szymanowski, les Deux pièces pour quatuor n'ont en vérité aucun rapport avec ce grand ancêtre de la musique polonaise contemporaine. Elles marient un ton de lamentation proche de Lutoslawski à une texture rythmique et harmonique de plus en plus stratifiée, qui ne redoute ni les élans fiévreux ni les heurts et surprend par une sorte d'urgence étouffée.

Autre élève de Kotonski, et d'abord clarinettiste, Pawel Mykietyn (né en 1971) laisse transparaître lui aussi, dans son beau Quatuor nº2 (2006) en un seul mouvement, l'influence de Lutoslawski (technique de "chaîne" dans la progression des idées). Comme Szymański, il est captivé par les micro-intervalles et les harmoniques, leurs sons partiels aigus évoquant ici un harmonica de verre ou même les échos d'un folklore imaginaire.

Le Royal String Quartet domine avec une précision acérée et une aisance presque désinvolte ces pages don’t la brillance raffinée semble cependant répondre plus souvent à des préoccupations de timbre que de substance ou de structure.