The poem is from the
Contes cruels by Villiers de l’Isle-Adam, one of the cult books of the period, and published in 1883. The overwhelmingly larger part of the collection is prose; on page 302, under the heading
Conte d’amour, there are seven poems. Léon Boëllmann (the arranger of
Shylock, see below) set them all as a cycle. Fauré set the first (
Éblouissement) as
Nocturne;
Chausson set the second,
L’aveu;
Les présents is the third. The song is dedicated to the great aesthete of the period, Comte Robert de Montesquiou (his portrait by Whistler graces the recital room of the Frick Museum in New York). Montesquiou, one of Fauré’s conduits to Verlaine, was close to other circles of artists, Mallarmé and Proust, who figure only on the edge of Fauré’s biography; this reminds us of how broad and varied the cultural life of Paris was at the time. Jankélévitch remarks on the ‘charmante morbidezza’ of this song with its alternation between F major and A flat major in its opening bars. In some ways this berceuse is a variant of
Le secret, but the music is rarefied and self-conscious, less heartfelt and more world-weary, with all the languor of the décadence. The obsessive nature of a text redolent of Huysmans’s
À rebours is reflected in the way that after every chromatic excursion, no matter how exotic, the music returns in circular fashion to F major. These modulations, employing all the cleverness of the composer’s enharmonic resources, are particularly ingenious at ‘Je t’apporterai des colombes!’ – this image reminds one of the Lord Berners whose pigeons, in the park of Faringdon House, were dyed different pastel colours. At the end of the song, the intrusion of an F sharp in the fifth and third bars from the end attempts to pull the music into G major, but to no avail. The effect of the whole song seems to be a futile attempt to escape depression of a ‘cœur malade’ – flights of imaginative fancy are drawn back again and again to the doleful, velvet-lined reaches of the home key. It is perhaps in a song like this that the art of Fauré, and that of Debussy, are nearer than they had ever been, or were ever to be in the future.
from notes by Graham Johnson © 2005
Ce poème est tiré des
Contes cruels de Villiers de l’Isle-Adam, l’un des livres-culte de l’époque, publié en 1883. L’essentiel de ce recueil est en prose mais, page 302, sept poèmes sont regroupés sous le titre de
Conte d’amour. Léon Boëllmann (l’arrangeur de
Shylock) en fit un cycle de sept mélodies, tandis que Fauré et Chausson mirent en musique l’un le premier poème (
Éblouissement), sous le titre de
Nocturne, l’autre le deuxième,
L’aveu;
Les présents est le troisième. Le dédicataire de cette mélodie, le comte Robert de Montesquiou (le grand esthète de l’époque, dont le portrait par Whistler orne la salle de récitals du Frick Museum de New York), fut l’un des intermédiaires entre Fauré et Verlaine—il était proche d’autres cercles d’artistes, tels ceux de Mallarmé et de Proust, marginaux dans la biographie du compositeur, ce qui nous rappelle combien la vie culturelle parisienne était alors vaste et variée. Jankélévitch souligne la «charmante morbidezza» de cette mélodie, avec son alternance, dans les mesures d’ouverture, entre fa majeur et la bémol majeur. À certains égards, cette berceuse est une variante de
Le secret, mais avec une musique épurée et appuyée, moins venue du cœur et plus lasse du monde, où s’affiche toute la langueur de la décadence. La nature obsessionnelle d’un texte au parfum d’
À rebours (Huysmans) se reflète dans la circularité avec laquelle la musique revient à fa majeur après chaque incursion chromatique, si exotique soit-elle. Ces modulations, recourant à toute l’intelligence des ressources enharmoniques du compositeur, sont particulièrement ingénieuses à «Je t’apporterai des colombes!»—une image qui évoque celle de Lord Berners, dont les pigeons, dans le parc de Faringdon House, étaient teints en diverses couleurs pastel. En bout de mélodie, l’intrusion d’un fa dièse, aux cinquième et troisième mesures en partant de la fin, tente de pousser la musique vers sol majeur, mais en vain. Toute cette œuvre semble être une futile tentative d’échapper à la dépression d’un «cœur malade»—les élans de l’imagination sont ramenés, encore et toujours, au royaume dolent, tapissé de velours, de la tonalité mère. C’est peut-être dans une mélodie comme celle-ci que les arts de Fauré et de Debussy sont plus proches qu’ils ne l’avaient jamais été, et même qu’ils ne le seraient jamais.
extrait des notes rédigées par Graham Johnson © 2005
Français: Hypérion