Jacques Meegens
Diapason, France
mai 2017

La dissolution des monastères menée au XVIe siècle par Henri VII et la confiscation ou la destruction de leurs biens, sans doute à l’origine de la perte de la plupart des musiques médiévales anglaises, aura tout de même permis à quelques manuscrits de traverser les siècles. Rares sont les sources d’ars antiqua et d’ars nova anglais, et rares en sont les enregistrements. Parenthèse dans sa séries d’albums sur Guillaume de Machaut, le programme de l’Orlando Consort, intitulé «Sous l’Étoile du nord» est une surprise dans le paysage discographique.

Les voix a capella de l’ensemble britannique, droites et claires (pour la plupart), aussi bien dans le phrasé que dans l’élocution, cisèlent les musiques sacrées de leurs aïeux. Mais si les parties aigues sont nettes—notamment le contre-ténor Matthew Venner, d’une remarquable stabilité—, le ténor se tient quant à lui, en toute insouciance, à un vibrato perpétuel. Les consonances austères de la musique du XIVe siècle y perdent en clarté, et les longues notes tenues et chevrotantes d’un bout à l’autre des motets Sub Arturo plebs/Fons citharizancium/[In omnem terram] et Salvatoris mater pia/O Georgi Deo care/[Benedictus Mariae Fulius] font sourire.

L’Orlando Consort s’excuse presque du choix de son programme, le décrivant comme «l’émergence de la polyphonie anglaise». Il semble ainsi perpétuer le poncif dix-neuvièmiste d’un Moyen Age primitif et obscur que la Renaissance viendra éclairer et accomplir. Nul besoin, pourtant d’attendre Taverner, Byrd et Tallis pour apprécier à leur juste valeur ces trop rares pages d’ars antiqua et d’ars nova insulaires aux sonorités fascinantes et aux chromatismes révolutionnaires. L’Orlando Consort n’en parait pas convaincu lui-même, comment pourrait-il en convaincre l’auditeur?