Michel Stockhem
Diapason, France
mai 2017

Les qualités de Piers Lane ne sont plus à vanter; on ne peut que regretter de ne pas l’entendre plus souvent dans nos contrées avec les Goldner, emmenés par l’excellent Dene Olding—jeu enlevé et moderne, vibrato varié, jamais envahissant. Ils joignent au célèbre Quatuor à cordes nº 2 (1881) deux œuvres rares du jeune Borodine, dans un programme identique à celui des Prazaket Klepac en 2000 (Praga). Et ils l‘emportent autant pour la prise de son que pour l’interprétation du quintette et de la sonate. Sans compter l’atout d’un piano impérial.

Ces deux partitions (respectivement de 1862 et 1860) précèdent la rencontre déterminante avec Balakirev. Déjà, l’éminent chimiste montrait plus que des promesses de compositeur marquant ces pages d’un fort accent russe. Le Quintette en do mineur aiguise la curiosité, avec son bref Andante initial qui semble se prolonger par le scherzo (le trio emprunte au premier mouvement des mélismes lents qui annoncent Dans les steppes de l’Asie centrale). Le langage est modal, les progressions séquentielles. Tout cela est déjà très personnel, et joué avec conviction, mesure et lyrisme. Le finale fait mine d’être un nouvel andante pour ensuite se développer (longuement) en une forme sonate qui n’aurait rien perdu a un bon élagage …

La sonate permet de retrouver le violoncelliste du quatuor, Julian Smiles, qui a toutes les qualités du rôle. Elle a été reconstituée par Mikhail Goldstein («un tiers est de moi») et publiée en 1982. Il est amusant—et significatif—d’y retrouver, en matrice de toute l’œuvre, le sujet de la fugue de la Sonate BWV1001 de Bach, russifié et romantisé; quant au mouvement lent, il annonce le célèbre Notturno du Quatuor nº 2.

Dans celui-ci, privés d’un piano souverain, les Goldner ne parviennent pas à entrer au premier rang des références (nombreuses), don’t le Quatuor Borodine et les Hollywood. Dans l’Allegro moderato initial, le lyrisme contenu des Goldner est fragilisé par une pulsation incertaine. Si le Notturno a connu des versions plus fluides et des legatos plus assumés, le finale convainc davantage et montre la classe de cet excellent quatuor.