Jacques Meegens
Diapason, France
novembre 2016
RECORDING

Un compositeur méconnu du Siècle d'or espagnol, des polyphonies luxuriantes—jusqu'à huit voix—copiées dans un manuscrit lacunaire, et un ensemble vocal comme seuls les Anglais savent en produire: la rencontre a tout d'exceptionnel.

David Skinner, à la tête de De Profundis, dévoile l'intégralité de l'œuvre de Bernardino de Ribera, maître de la chapelle de la cathédrale de Tolède dans les années 1560. Méconnu mais nullement de second plan, car malgré l'oubli dans lequel Ribera est longtemps tombé l'Histoire retient qu'il compta Tomas Luis de Victoria parmi ses élèves. Richesse du contrepoint, clarté et évidenec des motifs repris en imitation, naturel déconcertant des lignes mélodiques: il s'agit indéniablement du travail d'un grand maître. De tels chefs d'œuvre n'ont guère à pâlir face à la production d'un Roland de Lassus, ou, pour rester en terres hispaniques, d'un Cristobal de Morales ou d'un Francisco Guerrero.

De Profundis construit à merveille cette architecture sonore, détaille ses entrées fuguées, et donne une direction toujours nette à ses longs phrasés lisses. Trois Magnificats répondent à des motets plus modernes, qui s'inscrivent pleinement dans la rhétorique et le langage musical du XVIème siècle. La masse sonore monumentale d'un Gloriosae virginis Mariae à double chœur ou d'un Vox in Rama à sept voix s'épanouit majestueusement grâce à la rondeur et à la puissance de quelque vingt-cinq voix d'hommes.

Dire que des collectionneurs d'enluminures ont mutilé le manuscrit contenant ces œuvres! Trois motets et deux messes entières sont perdus à jamais. Le remarquable travail de reconstitution du musicologue Bruno Turner en devient d'autant plus captivant, et d'autant plus capital pour la diffusion de ces chefs d'œuvre oubliés.