This beautiful song, one of two settings from Villiers de l’Isle-Adam’s mainly prose collection
Contes cruels (1883), deserves to be sung more often. It can boast neither an exceptional melody, nor a chance for a singer to make a dramatic impression. But it does conjure a mood of infinite peace and calm, the composer’s own ‘calme, luxe et volupté’. The poet’s title,
Éblouissement, implies a dazzling sight, exclamation marks (omitted by the composer) betokening a heady enthusiasm. Fauré is far more en sourdine; his heading,
Nocturne (he had already written his first five nocturnes for piano) prepares us better for the languid unfolding of this music in a muted tessitura. At the moments when the 3/4 rhythm gives way to a rocking 6/8 one might even think of a berceuse. The form is essentially AAB. In the first two strophes the home key of E flat is reached relatively easily after momentary excursions into E flat minor and G flat major. The third strophe is more exploratory and takes us on a more restless tonal journey; we reach E flat major at the end but only after an unexpected detour into G minor for the word ‘beauté!’. If the poet rejoices in the possession of his beloved, the composer mourns her unavailability with only a momentary loss of composure.
from notes by Graham Johnson © 2005
Cette splendide pièce—l’une des deux mises en musique des
Contes cruels, le recueil essentiellement en prose de Villiers de l’Isle-Adam (1883)—mériterait d’être chantée plus souvent. Certes, elle ne peut se targuer ni d’avoir une mélodie exceptionnelle, ni d’offrir au chanteur la possibilité de produire un effet théâtral. Mais elle instaure un climat de paix et de sérénité infinies, le « calme, luxe et volupté » de Fauré. Le titre choisi par le poète,
Éblouissement, suggère une vision éclatante, les points d’exclamation connotant, eux, un enthousiasme grisé. Mais le compositeur est bien plus en sourdine : son titre,
Nocturne (ses cinq premiers nocturnes pour piano étaient déjà composés), nous prépare davantage au déploiement alangui de cette musique sise dans une tessiture assourdie, qui fait même songer à une berceuse, quand le rhythme à 3/4 cède la place à un 6/8 cullando. L’oeuvre obéit, fondamentalement, à une forme AAB. Dans les deux premières strophes, la tonalité mère de mi bémol est atteinte avec une relative aisance après de brèves incursions en mi bémol mineur et en sol bémol majeur. La troisième strophe, plus exploratoire, nous embarque dans un voyage tonal moins tranquille, au terme duquel nous atteignons mi bémol majeur, mais seulement après un détour inattendu par sol mineur, au mot « beauté ». Si le poète se réjouit de posséder son aimée, le compositeur, lui, déplore l’indisponibilité de la belle et perd, l’espace d’un instant, son sang-froid.
extrait des notes rédigées par Graham Johnson © 2005
Français: Hypérion